L'Inflation du Foot : Le footballeur moderne : esclave ou mercenaire ?
Tour à tour Shearer (passé en 96 de Blackburn à Newcastle pour 114 MF), Ronaldo (en 97 de Barcelone à l'Inter pour 168 MF) et Denilson (en 98 de Sao Paulo au Betis Séville pour 210 MF) ont précédé Vieri au palmarès du footballeur le plus cher du monde.
Mais au niveau des salaires, c'est Del Piero qui jouit aujourd'hui des conditions les plus avantageuses: il vient de prolonger avec la Juve pour 34 MF par an (Vieri est à 29 et Ronaldo à 24). Lilian Thuram, très convoité sur le marché des transferts a lui aussi profité de l'été pour renégocier son contrat à hauteur de 2 MF par mois ! En France, on dit que Fabien Barthez a obtenu avec sa prolongation à Monaco, un salaire royal même dans une principauté.
En tenant compte des contrats publicitaires et des revenus extérieurs, Ronaldo reste devant Beckham le footballeur le mieux payé du monde. Dans ce classement, Zidane apparaît autour de la 5ème place derrière Del Piero et Vieri mais devant Owen et Raul.
Marcel Desailly déclarait récemment: "Les salaires des joueurs vont continuer d'augmenter et c'est normal". Si les appointements de Ronaldo peuvent choquer le quidam moyen, son nom n'apparaît qu'en 27e position de la liste des sportifs les mieux payés au monde. Loin derrière Michael Jordan n°1 incontesté, mais aussi des boxeurs, des tennismans, des base-balleurs, des golfeurs et des pilotes automobiles. Pourtant, seul Ronaldo apparaît en mesure de supplanter le mythique n°23 des Bulls de Chicago dans l'aura médiatique d'une représentation planétaire du sport. Pelé n'est-il pas désigné "sportif du siècle" dans une majorité de pays au monde ?
Si les stars grassement rémunérées et les bons joueurs très bien payés eux aussi, se vendentau plus offrant, la faute n'en revient pas seulement aux managers mais d'abord aux clubs qui considèrent de plus en plus les hommes comme des marchandises (et on ne parle pas de l'économie des produits dérivés du foot : du merchandisand autour des équipements aux jeu vidéo FIFA ou PES - on achète même des crédits fifa pour jouer à FIFA ultimate !) . L'affaire Anelka d'aujourd'hui comme celle de Karembeu l'année dernière dénotent le peu de cas fait de la liberté individuelle par ces présidents apôtres du libéralisme. Anelka et Karembeu sont des internationaux français riches et célèbres mais combien sont-ils à l'instar de Jean-Marc Bosman en son temps, prisonniers par les règlements de certains présidents aux méthodes dignes de la Rome des gladiateurs ?
L'affaire Laurent Blanc, bradé de Marseille pour la somme ridicule de 18 MF, est symptomatique du nouvel état d'esprit des clubs. Certes l'entraîneur supportait mal l'ombre grandissante d'un libéro "fuoriclasse", à l'expérience et au sens tactique très développé, de surcroît champion du monde (l'affaire ressemble étrangement à celle de Kopke, 1 an auparavant). Toujours est-il qu'à plus de 30 ans et quoiqu'il démontre sur un terrain, un joueur est considéré comme jetable par des gens utilisant le football pour d'abord faire du business. A classer dans le même ordre d'idée: la non-venue de Deschamps et Desailly à Monaco et à Marseille. Ce ne sont ni les indemnités de transfert, ni les salaires réclamés qui ont effrayé les dirigeants de ces clubs mais la perspective de ne pas réaliser de plus-value dans une éventuelle revente !
Tous les transferts à plus de 100 MF faits cet été concernent des joueurs de moins de 25 ans (à l'exception d'Anderson) et peu d'entre eux sont des titulaires indiscutables de leur équipe nationale. On investit sur les hommes comme on joue à la bourse ou au casino en esperant tirer le gros lot...
Une nouvelle mode dirigeante est donc de miser sur des joueurs susceptibles de rapporter de l'argent plutôt que ceux susceptibles de gagner les matches. Comparons les choses pour juger de la nouvelle moralité du football: Blanc (81 sélections en EDF, champion du monde en titre) a été refourgué 18 MF par l'OM qui a acheté Dalmat (moins de 10 sélections en espoir, mais de bonnes frappes de loin dans fifa 17 ) pour 70 MF. Dans le même temps, Deschamps (recordman des sélections en EDF, capitaine des champions du monde, titulaire indiscutable de la Juve depuis 5 ans) est vendu 30 MF à Chelsea quand Lens doit débourser 46 MF pour faire revenir Blanchard (0 sélection, moins de 5 matches joués cette saison avec la Juve) ! Quelle que soit l'estime que l'on porte à Blanchard et Dalmat, force est de reconnaître qu'ils n'en sont pas encore au niveau atteint par leurs aînés. Certes leurs salaires sont largement inférieurs, mais c'est bien le bénéfice d'un futur transfert qui motive certains dirigeants, et n'allons pas accuser une fois de plus les managers qui sont inévitables dans un tel système.